Voici maintenant mon interview de Georges Caudron. Voyez sa filmographie sur
fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Caudron
Pour résumer, mais vraiment résumer, on peut dire qu'il est la "voix française" de David Duchovny, le doubleur de Rex (Steven Culp) dans Desperate Housewives, ou encore Broots (John Gries) dans Le Caméléon, sans oublier John Hannah dans La Momie par exemple.
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- Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir comédien ?
Haha, alors là on remonte très très loin ! J’ai toujours voulu être comédien, j’ai chanté à la Croix de Bois, puis j’ai toujours aimé le spectacle. Et dès mon plus jeune âge, j’ai voulu être acteur, voilà. J’ai eu la chance de réaliser ce que j’avais envie de faire depuis l’âge de dix ans.
- Et qu’est-ce que vous avez suivi comme cursus ?
Eh bien j’ai passé mon BAC, j’ai fait deux cours privés, Jean-Laurent Cochet et un autre qui était un petit cours, puis je suis rentré au Centre de la Rue Blanche, l’ENSATT (Ecole Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre).
- J’ai vu que vous aviez fait du théâtre, mais je n’ai pas trouvé beaucoup de renseignements, vous pouvez nous en dire plus ?
J’ai fait beaucoup, beaucoup de théâtre. Les 20 premières années de ma carrière, j’ai fait du théâtre. J’ai été le fils de Bernard Blier, le fils de Jean Piat, j’ai fait des pièces plus de cinq cent fois (deux saisons), Le Préféré, Le Nombril, L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut avec Robert Hossein, La Vieille Dame avec Jean Mercure au Théâtre de la Ville. Toutes les pièces que j’ai jouées, je les ai jouées au moins une saison, c'est-à-dire au moins deux cent fois, et les plus importantes cinq cent fois.
- Ah oui, quand même !
Un peu de télévision, j’ai fait des séries du style de Médecins de Nuit, Joséphine de Beauharnais, Le temps des As, Les Faucheurs de marguerites. Voilà, pas mal de télévision, un tout petit peu de cinéma.
- Dans quoi avez-vous joué ?
J’ai joué dans Croque la vie, avec Bernard Giraudeau et Carole Laure.
- Quel rôle aviez-vous ?
J’étais l’amant de Brigitte Fossey.
- Ok, d’accord. Sinon, votre meilleur souvenir de théâtre ?
Mon meilleur souvenir de théâtre ? Dernièrement, j’ai joué Louis XIV à Versailles, pour les Grandes Fêtes Musicales Nocturnes. Il y avait dix-sept mille personnes, trois cent figurants, et moi au milieu, c’était assez génial !
- Géant ça !
Génial oui, c’était un truc assez fort !
- J’en déduis donc que vous jouez encore sur scène ?
Eh bien oui, je viens de faire un spectacle qui s’appelle 300 ans de musique à la Comédie Française, avec donc l’orchestre de la Comédie Française.
- Et actuellement, dans quoi peut-on vous voir ?
Là, dans rien. Je ne fais que de la synchro pour le moment, mais les 300 ans de musique à la Comédie Française c’était le mois dernier. Et je suis ouvert à tout ce que l’on me proposera.
- Qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser dans la synchro ?
C'est-à-dire qu’à un moment de ma carrière, quand j’avais à peu près 35 ans, j’ai eu un petit trou dans ma carrière au théâtre, parce que j’étais trop vieux pour faire les Fils, et trop jeune pour faire les Pères. Je faisais beaucoup de radio, pour France-Culture, France-Inter, des choses comme ça, les 1001 jours, et une copine m’a amené en synchro pour voir si cela me plairait. Je dois dire que je suis rentré un lundi matin, et que je n’en suis jamais ressorti ! J’ai adoré ca tout de suite, j’ai trouvé ca formidable.
- Par quoi avez-vous commencé ?
Les Gobots, des robots qui devenaient humains, on a fait une centaine d’épisodes.
- Je voudrais m’attarder un peu sur votre travail sur David Duchovny.
Alors Duchovny, j’ai commencé à le doubler dans Beethoven, le Saint-bernard. J’étais le méchant.
- Le méchant ?
C’est Duchovny qui jouait le méchant oui.
- Il faut que je revoie ce film… Et du coup, après, vous êtes resté son doubleur officiel ?
Eh bien, après, j’ai fait des essais pour X-Files, et ça a marché. Depuis c’est toujours moi.
- Vous savez qui d’autre a fait les sélections pour Duchovny ?
Non, je ne sais pas. Mais quand on a fait les essais avec Caroline Beaune (l’actrice doublant Gillian Anderson/DANA Scully, ndlr), on s’est tout de suite rendus compte que ça fonctionnait très bien, et il n’y a pas eu de soucis.
- Donc vous vous entendiez bien tout les deux ?
Ah parfaitement bien ! C’est comme une sœur pour moi.
- Je suppose que vous gardez de bons souvenirs des séances de X-Files ?
Ah oui, on a beaucoup ri. On a beaucoup fouillé les personnages, parce qu’on avait envie que ce soit très bien. Et puis c’est un très bon produit, c’est très intéressant. Chaque saison avait sa petite spécificité.
- Oui, chaque saison tournait autour de thèmes assez précis.
Oui, chaque thème était différent. Et j’ai été désolé quand Duchovny est parti de la série, parce que j’ai trouvé que ca l’affaiblissait beaucoup. Et à ce moment là, c’est moi qui ai commencé à diriger la série, sur les trois dernières années.
- Du coup, quel est votre rôle exactement ? De quoi vous occupez-vous ?
Eh bien comme d’habitude je fais la distribution, je faisais travailler les acteurs, je vérifiais la traduction, voilà. C’est le métier du directeur de plateau.
- Et vous, Duchovny, vous ne l’avez jamais rencontré ?
Je l’ai rencontré, si. Après le film Evolution. Il y avait eu un grand raout au Ritz, et il m’y avait invité à déjeuner.
- Ah oui ! Vous aviez discuté de quoi ?
On a discuté de comment je voyais le personnage, comment lui le voyait. On s’est bien marré, il est assez sympathique. C’est lui qui a demandé à me voir, parce que je crois que son père vit à Paris, et qu’il lui avait dit qu’il aimait bien le travail que je faisais.
- Et vous aviez travaillé sur un épisode des Simpsons aussi, en rapport avec X-Files (épisode 8x10, Aux frontières du réel, ndlr) ?
Oui, bien sûr. A chaque fois qu’il y a eu une apparition des personnages de X-Files dans un dessin animé, c’est Caroline et moi qui les avons fait.
- Cela s’était passé comment sur les Simpsons ?
Ah très bien, ce sont des amis ! J’en ai fait des Simpsons au début, des voisins, des choses comme ça.
- Du coup je suppose que ça vous a fait plaisir de retourner sur X-Files à l’occasion du nouveau film, après six ans ?
Oui c’était génial ! Il parait qu’ils feraient une nouvelle série ou saison, on m’a dit que cela circulait sur internet.
- Je me tiendrai au courant alors.
Tu me diras !
- Vous seriez partant vous ?
Ah ! Et comment bien sûr !
- Un peu dans la même veine, Chris Carter n’excluait pas la possibilité de faire un ou deux autres films en fonction du succès de Régénération.
C’est ce que tu me disais, moi je pensais plutôt que ca serait de la TV, mais peut-être que cela sera du cinéma, je n’en sais rien.
- Et j’avais reconnu Caroline Beaune sur Desperate Housewives, puisqu’elle double Felicity Huffman…
Absolument, elle fait Lynette Scavo, et moi je fais Rex, le mari de Bree.
- Oui justement, vous avez eu l’occasion de vous croiser ?
Non, parce que chez Dubbing (Dubbing Brothers, société de doublage, ndlr), on travaille scène par scène, et je n’en avais aucune avec Lynette.
- Donc X-Files, Desperate Housewives, Beethoven, vous avez fait tous les genres possibles, comédie, action, science-fiction…
Eh bien j’ai fait le Sorderbergh (Full Frontal, 2002, ndlr), où Duchovny est complètement jeté, Californication, où il est drogué, alcoolique et tout ça. Le suivre dans ses délires, c’est merveilleux.
- Oui, vous aviez même fait un chauffeur de taxi, dans Total Recall.
Oui, absolument, c’était le robot électronique.
- JohnnyCab…
C’est ça oui !
- Et vous préférez travailler sur un genre en particulier ?
C’est cela qui est merveilleux dans le monde de la synchro, on peut faire un jour un film dramatique, le lendemain une comédie, le surlendemain un dessin-animé, et le sur-surlendemain une comédie romantique. Pour des acteurs qui aiment jouer, s’adonner à l’art dramatique, c’est formidable. On évolue, tous les jours il y a quelque chose de différent.
- Justement, on peut voir que beaucoup des personnages que vous doublez sont drôles, volontairement ou non.
Eh bien c'est-à-dire que mon tempérament, à priori, se situe plutôt dans la comédie. C’est pour ça que ça donnait à Fox Mulder un petit décalage ironique, avec l’air de se foutre de la gueule de tout le monde.
- Oui voilà, Mulder et cet air-là, ses petites « blagounettes », Moody dans Californication qui est quand même assez jeté, Szalinski dans Chérie, j’ai rétréci les gosses…
Je me suis entendu dans un très vieux truc qui est passé au jour de l’an, La Coccinelle. Il y avait déjà l’humour, le petit truc un peu décalé que j’aime bien mettre sur les personnages. J’ai fait John Hannah aussi. John Hannah, c’est le personnage comique de La Momie, le frère trouillard (Jonathan, ndlr).
- Il y a Broots aussi, dans Le Caméléon, qui est un peu gauche.
Ah oui ! Broots, j’adorais ! Et j’ai rencontré John Gries aussi, il est venu manger chez moi.
- Ah bon ?
Il avait demandé à me connaître, et la direction de M6 était venue manger chez moi avec lui.
- Je me rappelle notamment d’une scène où il menaçait quelqu’un avec une arme, et où il faisait tomber le chargeur…
Oui oui, il était très très maladroit.
- Sinon, vous regardez les films ou les séries sur lesquels vous travaillez ?
Ah oui bien sûr, toujours. Je veux absolument voir le mixage, comment ça passe. Je suis mon bébé jusqu’au bout.
- Et à ce moment là, vous les regardez en VO ou en VF ?
Eh bien ce qui est très drôle, avec le système DVD et tout ça, c’est que je passe souvent de la VO à la VF. Je trouve que c’est vachement bien que l’on puisse comparer, et parfois ça n’est pas au désavantage de la VF. Les équipes qui travaillent sur ces séries-là, et qui font bien leur boulot peuvent en être fières, parce que c’est vraiment du très bon travail.
- N’est-ce pas trop bizarre d’entendre sa propre voix ?
Au début si, c’est difficile. Il faut s’accepter, comme accepter son image quand on fait de la TV ou du cinéma. Mais après, on voit le jeu et pas le côté « physique ». Personnellement, je me suis fait à ma voix au bout de deux ou trois ans. D’un seul coup je me suis dit « Bon eh bien c’est comme ça ! ».
- Et aujourd’hui par exemple, quand vous revoyez X-Files, vous ne vous dites pas « Tiens, ça, j’aurais pu le faire autrement. » ?
Si, toujours. Je suis un travailleur, je suis quelqu’un qui creuse beaucoup, et même si à un moment il faut s’arrêter, les gens qui s’arrêtent au « one take », à la première prise, je n’arrive pas à les comprendre. Au départ, je suis un acteur de théâtre, et il faut travailler et travailler, pour justement gommer le côté théâtral et le côté écrit. Il faut vraiment s’emparer de l’émotion, et parfois il faut plusieurs prises pour y arriver. Je suis un besogneux, et j’ai besoin de travail pour comprendre exactement ce qui se passe à l’écran, les regards, le souffle, les mouvements d’épaules, pour bien rentrer dans le personnage et être le plus proche possible de ce qu’il fait.
- Sinon, d’une manière plus générale, vos goûts en matière de cinéma se rapprochent de quoi ?
Les séries actuelles, Dr House, Desperate Housewives, Nip/Tuck, Cold Case, je trouve ça absolument génial, Six Feet Under, que j’ai dirigé aussi. Je trouve que les séries américaines ont fait d’énormes progrès, même s’il y a encore le meilleur et le pire. Dexter, c’est un chef d’œuvre, je trouve que c’est d’une intelligence, d’une acuité formidables.
Au cinéma, cela dépend, parce que j’aime bien délirer, mais j’aime aussi les films d’aventure, qui nous font nous évader. Pirates des Caraïbes, c’est tellement étonnant ! Les grosses machines américaines, ça nous emmène !
- Et niveau série, The Shield, vous connaissez ?
Oui, mais tout ce qui est caméra à l’épaule, j’ai un peu de mal, ça me donne mal au cœur !
- C’est marrant que vous me disiez que vous aimez bien Nip/Tuck, parce que finalement je connais peu de personnes qui aiment vraiment, parce qu’elles trouvent ça trop décalé, trop sombre, trop glauque.
Oui, je suis au bord de l’évanouissement et du dégueulis, mais je trouve ça stupéfiant de mauvais goût par exemple. D’un seul coup on se dit « Ils vont pas le faire, ils vont pas le faire, et ils le font, ils le font, ILS LE FONT, ILS Y VONT ! ». Et ils y vont à fond quoi ! C’est ce genre de séries qui fait bouger les choses.
- Et vous avez des projets futurs ?
Là oui, quand je rentre de vacances, j’attaque la deuxième saison de Californication¸ et la deuxième saison de Damages en tant que directeur de plateau.
- Et vous allez jouer dans un autre film ? Au cinéma peut-être, ou à la TV ?
Ah la la… Je n’en sais rien. Tout m’intéresse, je suis très très bon public. Si le film m’emballe… Il peut m’arriver de regarder un film vraiment rossignol, romantico-machin, et d’avoir les larmes aux yeux ! Si c’est bien fait et que ça m’emmène…
- Un petit mot pour finir peut-être, sur votre profession peut-être ?
Je trouve, et c’est pour ça que je réponds avec plaisir aux questions, qu’il y a une quantité d’acteurs qui font dans le secteur du doublage leur métier magnifiquement. Il y a un vivier de comédiens qui sont absolument remarquables. Mais soit on dit que la synchro est nulle, soit on ne dit rien. C’est pour ça que s’il y avait une critique objective, et des remarques sur une série remarquablement doublée, cela aiderait bien le schmilblick. Je me trouve face à de vrais acteurs, qui pourraient ou qui font vraiment faire une jolie carrière au cinéma ou à la TV. Je suis très fier d’appartenir à cette catégorie-là.
J’avais vu il y a quelques années Aladin, le dessin-animé de Walt Disney. Le Génie était doublé par Richard Darbois. Je l’ai vu doublé par Robin Williams en anglais, et je l’ai revu avec Richard Darbois donc, et je trouve que le boulot est absolument remarquable. D’abord le boulot de l’adaptateur, parce qu’il a tiré tout ce qu’il pouvait de l’original, puis celui de Richard Darbois, son boulot d’acteur était vraiment remarquable lui aussi ! Et je trouve que quand on fait un travail comme celui-là, on peut en être fier.
Interview réalisée le 26/O1/09